L’admission en non-valeur contestée : enjeux juridiques et procédures de recours

L’admission en non-valeur (ANV) constitue un mécanisme comptable permettant aux collectivités territoriales et aux établissements publics de se décharger des créances jugées irrécouvrables. Cette procédure, souvent méconnue du grand public, représente un enjeu financier considérable pour les finances publiques françaises. Lorsqu’une ANV est prononcée, elle peut faire l’objet de contestations tant de la part du comptable public que du contribuable concerné, créant ainsi un contentieux spécifique aux frontières du droit administratif, fiscal et comptable. La contestation d’une admission en non-valeur soulève des questions juridiques complexes touchant aux responsabilités respectives de l’ordonnateur et du comptable, aux droits des contribuables et à la gestion des deniers publics.

Fondements juridiques et principes de l’admission en non-valeur

L’admission en non-valeur trouve son fondement juridique dans plusieurs textes réglementaires, notamment le décret n°2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique. Cette procédure s’inscrit dans le cadre plus large de la séparation des ordonnateurs et des comptables, principe cardinal de la comptabilité publique française. L’ANV constitue une opération d’ordre budgétaire qui permet d’apurer les comptes de prise en charge des titres de recettes lorsque ces derniers s’avèrent irrécouvrables.

Sur le plan juridique, l’admission en non-valeur ne signifie pas l’extinction de la dette. Elle constitue uniquement une mesure d’ordre comptable qui décharge le comptable public de sa responsabilité personnelle et pécuniaire dans le recouvrement de la créance. La créance demeure juridiquement valable et peut être recouvrée ultérieurement si le débiteur revient à meilleure fortune. Cette distinction fondamentale entre l’aspect comptable et l’aspect juridique de la créance est souvent à l’origine des contestations.

Les motifs légitimes d’admission en non-valeur sont strictement encadrés par les textes et la jurisprudence. Ils comprennent notamment :

  • L’insolvabilité avérée du débiteur
  • La disparition ou le décès du débiteur sans actif saisissable
  • La liquidation judiciaire avec clôture pour insuffisance d’actif
  • La prescription de l’action en recouvrement
  • Le montant trop faible pour justifier des poursuites coûteuses

La procédure d’admission en non-valeur est initiée par le comptable public qui adresse une demande motivée à l’ordonnateur (maire, président de conseil départemental, etc.). Ce dernier soumet ensuite cette demande à l’assemblée délibérante (conseil municipal, conseil départemental) qui statue par délibération. Cette délibération peut faire l’objet d’un recours devant le tribunal administratif dans les deux mois suivant sa publication.

La jurisprudence administrative a progressivement précisé les contours de cette procédure. Dans un arrêt du 19 novembre 2018, le Conseil d’État a rappelé que l’ordonnateur dispose d’un pouvoir d’appréciation quant à l’opportunité d’admettre une créance en non-valeur, mais que ce pouvoir n’est pas discrétionnaire et doit s’exercer dans le respect des motifs légaux. De même, la Cour des comptes, dans son rapport public annuel de 2020, a souligné l’importance d’une gestion rigoureuse des admissions en non-valeur pour préserver les finances publiques.

Le cadre juridique des admissions en non-valeur s’est considérablement renforcé ces dernières années, notamment avec la publication de l’instruction budgétaire et comptable M57, applicable depuis 2015 et généralisée progressivement à l’ensemble des collectivités territoriales. Cette instruction a clarifié les procédures et les responsabilités respectives des différents acteurs, contribuant ainsi à sécuriser juridiquement le dispositif d’admission en non-valeur.

Motifs de contestation d’une admission en non-valeur

Les contestations d’admissions en non-valeur peuvent émaner de différents acteurs et reposer sur des motifs variés. Le contribuable concerné, l’ordonnateur, le comptable public ou encore tout citoyen ayant intérêt à agir peut initier une telle contestation. Les motifs invoqués diffèrent selon l’auteur de la contestation et sa position dans le processus d’admission en non-valeur.

Du point de vue du contribuable, la contestation peut porter sur le bien-fondé même de la créance initiale. En effet, l’admission en non-valeur ne préjuge pas de l’existence ou de la validité de la dette. Un contribuable peut donc contester une admission en non-valeur au motif que la créance sous-jacente est infondée, prescrite ou déjà réglée. Cette situation se présente fréquemment dans les cas de taxes d’habitation ou de redevances d’ordures ménagères admises en non-valeur alors que le contribuable estime ne pas en être redevable.

Pour l’ordonnateur, la contestation peut viser l’insuffisance des diligences accomplies par le comptable public avant sa demande d’admission en non-valeur. L’ordonnateur peut estimer que toutes les voies de recouvrement n’ont pas été épuisées et que la créance pourrait encore être recouvrée moyennant des poursuites appropriées. Cette situation est particulièrement fréquente dans les petites communes où les ressources financières sont limitées et où chaque créance représente un enjeu budgétaire significatif.

Contestation fondée sur des vices de procédure

Les vices de procédure constituent un motif récurrent de contestation des admissions en non-valeur. Ces vices peuvent affecter la validité de la délibération d’admission en non-valeur et entraîner son annulation par le juge administratif. Parmi les vices de procédure les plus fréquemment invoqués figurent :

  • L’insuffisance de motivation de la demande du comptable public
  • L’absence de pièces justificatives attestant de l’irrécouvrabilité de la créance
  • Le non-respect des règles de quorum lors de la délibération de l’assemblée
  • L’absence de notification de la délibération aux personnes concernées
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La jurisprudence administrative se montre particulièrement attentive au respect des formalités substantielles dans la procédure d’admission en non-valeur. Dans un arrêt du 15 mars 2019, le tribunal administratif de Marseille a ainsi annulé une délibération d’admission en non-valeur au motif que les justificatifs produits par le comptable public étaient insuffisants pour établir l’irrécouvrabilité des créances concernées.

Un autre motif fréquent de contestation concerne la prescription de l’action en recouvrement. Selon l’article L.1617-5 du Code général des collectivités territoriales, l’action des comptables publics en recouvrement des créances des collectivités territoriales se prescrit par quatre ans à compter de la prise en charge du titre de recettes. Une admission en non-valeur fondée sur la prescription peut être contestée si le contribuable ou l’ordonnateur établit que des actes interruptifs de prescription ont été régulièrement accomplis, rendant ainsi la créance encore recouvrable.

La contestation peut également porter sur le caractère prématuré de l’admission en non-valeur. Dans certains cas, le comptable public peut solliciter l’admission en non-valeur d’une créance alors que toutes les voies de recouvrement n’ont pas été épuisées ou que la situation du débiteur laisse entrevoir une possibilité de recouvrement ultérieur. La Cour des comptes a régulièrement critiqué cette pratique dans ses rapports, considérant qu’elle porte atteinte au principe de bonne gestion des deniers publics.

Procédures de contestation et voies de recours

La contestation d’une admission en non-valeur peut emprunter plusieurs voies juridictionnelles, selon la qualité du requérant et la nature des griefs invoqués. Cette diversité de recours reflète la complexité du régime juridique applicable aux admissions en non-valeur, à la croisée du droit administratif, du droit fiscal et du droit de la comptabilité publique.

Le recours le plus courant est le recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif, dirigé contre la délibération de l’assemblée délibérante ayant prononcé l’admission en non-valeur. Ce recours, ouvert à toute personne justifiant d’un intérêt à agir, doit être exercé dans le délai de deux mois suivant la publication ou la notification de la délibération. Le requérant peut invoquer tant des moyens de légalité externe (incompétence, vice de forme, vice de procédure) que des moyens de légalité interne (violation de la loi, erreur de droit, erreur manifeste d’appréciation).

Dans le cadre de ce recours, le juge administratif exerce un contrôle restreint sur l’appréciation portée par l’assemblée délibérante quant à l’irrécouvrabilité des créances. Il ne censure cette appréciation qu’en cas d’erreur manifeste, respectant ainsi la marge d’appréciation reconnue aux collectivités territoriales dans la gestion de leurs finances. En revanche, le contrôle est plus poussé s’agissant du respect des règles de compétence et de procédure.

Parallèlement au recours pour excès de pouvoir, le contribuable peut contester l’existence même de la créance sous-jacente par la voie de l’opposition à exécution, prévue par l’article L.1617-5 du Code général des collectivités territoriales. Cette procédure, qui relève de la compétence du juge judiciaire (tribunal d’instance ou de grande instance selon le montant), permet de contester le bien-fondé de la créance, indépendamment de son admission en non-valeur.

Recours spécifiques du comptable public

Le comptable public dispose de voies de recours particulières lorsque sa demande d’admission en non-valeur est rejetée par l’ordonnateur ou l’assemblée délibérante. Dans cette hypothèse, il peut saisir la chambre régionale des comptes d’une demande de décharge de responsabilité, sur le fondement de l’article 60 de la loi n°63-156 du 23 février 1963. Cette procédure vise à le protéger contre le risque de mise en jeu de sa responsabilité personnelle et pécuniaire du fait du non-recouvrement d’une créance qu’il estimait irrécouvrable.

La jurisprudence des chambres régionales des comptes a progressivement défini les critères d’appréciation des diligences accomplies par le comptable public en matière de recouvrement. Ces diligences doivent être « adéquates, complètes et rapides », selon la formule consacrée par l’arrêt Marteau du Conseil d’État du 27 juillet 2005. Le comptable doit ainsi démontrer qu’il a mis en œuvre, avec célérité, l’ensemble des moyens légaux à sa disposition pour tenter de recouvrer la créance, avant de solliciter son admission en non-valeur.

En cas de rejet de sa demande de décharge de responsabilité par la chambre régionale des comptes, le comptable peut former un pourvoi devant la Cour des comptes, puis un recours en cassation devant le Conseil d’État. Cette cascade de recours témoigne de l’importance des enjeux attachés à la responsabilité du comptable public en matière d’admission en non-valeur.

Pour les tiers intéressés, notamment les contribuables de la collectivité concernée, la contestation peut prendre la forme d’un déféré préfectoral. Tout citoyen peut en effet signaler au préfet l’illégalité présumée d’une délibération d’admission en non-valeur et lui demander d’exercer son contrôle de légalité. Le préfet dispose alors d’un pouvoir discrétionnaire pour déférer ou non la délibération au tribunal administratif.

Enfin, il convient de mentionner la possibilité d’un recours devant le juge des référés administratif, en cas d’urgence. Le référé-suspension (article L.521-1 du Code de justice administrative) permet d’obtenir la suspension provisoire de l’exécution d’une délibération d’admission en non-valeur, dans l’attente du jugement au fond, lorsqu’il existe un doute sérieux quant à sa légalité et que l’urgence le justifie.

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Études de cas jurisprudentiels et analyses pratiques

L’examen de la jurisprudence relative aux contestations d’admissions en non-valeur révèle des situations variées et des solutions nuancées, adaptées aux circonstances particulières de chaque espèce. Ces décisions juridictionnelles permettent de dégager des lignes directrices pour les praticiens confrontés à ce type de contentieux.

Une affaire emblématique est celle jugée par le Conseil d’État dans sa décision du 8 décembre 2017 (Commune de Valence). Dans cette espèce, une commune avait refusé d’admettre en non-valeur des créances que le comptable public estimait irrécouvrables, au motif que ce dernier n’avait pas accompli toutes les diligences nécessaires. Le comptable avait alors saisi la chambre régionale des comptes d’une demande de décharge de responsabilité. La haute juridiction administrative a jugé que le refus d’admission en non-valeur par l’assemblée délibérante ne constitue pas, en lui-même, un motif suffisant pour accorder au comptable une décharge de responsabilité. Elle a précisé que la chambre régionale des comptes devait apprécier concrètement les diligences accomplies par le comptable au regard des moyens dont il disposait.

Cette décision illustre la tension qui peut exister entre l’appréciation de l’assemblée délibérante et celle du juge des comptes quant au caractère recouvrable d’une créance. Elle souligne la nécessité pour le comptable public de constituer un dossier solide, étayé par des pièces justificatives probantes, avant de solliciter une admission en non-valeur.

Un autre cas instructif concerne le tribunal administratif de Lyon qui, dans un jugement du 22 septembre 2020, a annulé une délibération d’admission en non-valeur au motif que le conseil municipal n’avait pas été suffisamment informé des motifs d’irrécouvrabilité des créances concernées. La juridiction a considéré que l’absence de précisions sur la nature des diligences accomplies par le comptable public et sur les raisons précises de leur échec constituait un vice substantiel entachant la légalité de la délibération.

Analyse de cas pratiques

Au-delà de ces exemples jurisprudentiels, l’analyse de cas pratiques révèle des schémas récurrents de contestation. Un cas fréquent concerne les créances locatives des organismes HLM ou des collectivités territoriales propriétaires de logements. Lorsque ces créances sont admises en non-valeur après le départ du locataire, il n’est pas rare que ce dernier réapparaisse ultérieurement, à l’occasion d’une nouvelle demande de logement social ou d’une démarche administrative. La contestation peut alors porter sur le caractère prématuré de l’admission en non-valeur, le bailleur estimant qu’une recherche plus approfondie aurait permis de localiser le débiteur.

Un autre cas typique concerne les redevances d’eau et d’assainissement. Ces créances, souvent de faible montant unitaire mais nombreuses, font l’objet d’admissions en non-valeur groupées qui peuvent être contestées par des contribuables estimant avoir déjà réglé leur dette ou contestant le volume facturé. La difficulté réside alors dans la reconstitution a posteriori du parcours de recouvrement de chaque créance individuelle au sein d’un ensemble plus vaste.

Les créances fiscales locales (taxe d’habitation, taxe foncière) constituent également un terrain fertile pour les contestations d’admissions en non-valeur. Ces contestations émanent souvent de contribuables qui découvrent, à l’occasion d’une procédure ultérieure, l’existence d’une dette fiscale qu’ils ignoraient et qui a été admise en non-valeur sans qu’ils en aient été informés. La contestation porte alors sur l’insuffisance des tentatives de notification préalable.

Ces différents cas pratiques mettent en lumière l’importance d’une documentation rigoureuse des démarches de recouvrement entreprises avant toute demande d’admission en non-valeur. Le comptable public doit être en mesure de justifier, pour chaque créance concernée, les actions engagées, les dates de ces actions et les raisons de leur échec. Cette traçabilité est indispensable pour faire face à d’éventuelles contestations ultérieures.

Perspectives d’évolution et recommandations pratiques

Le régime juridique des admissions en non-valeur connaît actuellement des évolutions significatives, sous l’effet conjugué des réformes de la comptabilité publique, de la dématérialisation des procédures et de l’émergence de nouvelles pratiques de recouvrement. Ces transformations modifient progressivement le cadre dans lequel s’inscrivent les contestations d’admissions en non-valeur.

La réforme de la responsabilité des gestionnaires publics, initiée par l’ordonnance n°2022-408 du 23 mars 2022, constitue un tournant majeur. En remplaçant le régime traditionnel de responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics par un régime unifié de responsabilité des gestionnaires publics, cette réforme modifie profondément les enjeux attachés aux admissions en non-valeur. Désormais, le comptable public ne sera plus automatiquement tenu de combler de ses deniers personnels le manque à gagner résultant du non-recouvrement d’une créance. Cette évolution pourrait conduire à une approche plus pragmatique des admissions en non-valeur, davantage fondée sur une analyse coût-bénéfice des poursuites envisageables.

Parallèlement, la dématérialisation croissante des procédures de recouvrement ouvre de nouvelles perspectives. L’utilisation de solutions numériques pour le suivi des créances, la relance des débiteurs et la mise en œuvre des mesures d’exécution forcée permet d’améliorer l’efficacité du recouvrement tout en réduisant les coûts. Cette modernisation des outils à disposition des comptables publics pourrait réduire le nombre de créances proposées en non-valeur et, par voie de conséquence, le volume des contestations.

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Dans ce contexte évolutif, plusieurs recommandations pratiques peuvent être formulées à l’attention des différents acteurs impliqués dans les procédures d’admission en non-valeur.

Recommandations pour les comptables publics

Pour les comptables publics, la constitution d’un dossier solide à l’appui de chaque demande d’admission en non-valeur apparaît comme une nécessité impérieuse. Ce dossier doit comprendre :

  • Un historique détaillé des actions de recouvrement entreprises
  • Les pièces justificatives attestant de l’irrécouvrabilité (procès-verbal de carence, certificat d’irrécouvrabilité, jugement de liquidation judiciaire, etc.)
  • Une analyse des coûts prévisibles des poursuites au regard du montant de la créance
  • Une évaluation des chances de recouvrement futur

La motivation circonstanciée de la demande d’admission en non-valeur constitue un élément déterminant pour prévenir les contestations ultérieures. Cette motivation doit être adaptée à la nature et au montant de chaque créance, évitant les formulations stéréotypées qui pourraient laisser penser que l’analyse a été superficielle.

Pour les ordonnateurs et les assemblées délibérantes, l’enjeu principal réside dans la qualité de l’information mise à disposition des élus appelés à se prononcer sur les demandes d’admission en non-valeur. Les délibérations doivent être précédées d’un examen attentif des pièces produites par le comptable public et d’un débat permettant d’éclairer pleinement la décision. La motivation des délibérations, bien que non obligatoire en droit strict, constitue une bonne pratique susceptible de réduire le risque de contestation.

Pour les contribuables et débiteurs concernés par une procédure d’admission en non-valeur, la vigilance s’impose quant aux conséquences juridiques de cette mesure. Il convient de rappeler que l’admission en non-valeur n’éteint pas la dette et que le recouvrement peut reprendre si la situation du débiteur s’améliore. Les débiteurs ont donc intérêt à vérifier régulièrement leur situation vis-à-vis des créanciers publics, même lorsqu’ils n’ont plus reçu de relance depuis longtemps.

Enfin, pour les juridictions appelées à connaître des contestations d’admissions en non-valeur, le principal défi consiste à articuler harmonieusement les différentes branches du droit concernées (droit administratif, droit fiscal, droit de la comptabilité publique). La spécialisation croissante des formations de jugement et le développement d’une jurisprudence plus cohérente contribuent progressivement à sécuriser ce contentieux spécifique.

En définitive, l’évolution du régime des admissions en non-valeur s’oriente vers une approche plus pragmatique et moins formaliste, davantage centrée sur l’efficience du recouvrement que sur le respect scrupuleux de procédures parfois obsolètes. Cette évolution devrait contribuer à réduire le volume des contestations tout en améliorant la qualité des décisions d’admission en non-valeur.

Vers une nouvelle approche du contentieux des admissions en non-valeur

Au terme de cette analyse approfondie, il apparaît que le contentieux des admissions en non-valeur contestées se trouve à la croisée des chemins. Longtemps considéré comme un domaine technique réservé aux spécialistes de la comptabilité publique, ce contentieux tend à s’ouvrir et à se démocratiser, sous l’effet de plusieurs facteurs convergents.

L’évolution du cadre juridique, avec notamment la réforme de la responsabilité des gestionnaires publics, modifie en profondeur les enjeux attachés aux admissions en non-valeur. En déconnectant partiellement la question de la responsabilité personnelle du comptable de celle du non-recouvrement des créances, cette réforme pourrait conduire à une approche plus sereine et plus objective des demandes d’admission en non-valeur.

Parallèlement, la jurisprudence administrative a progressivement précisé les contours du contrôle juridictionnel exercé sur les délibérations d’admission en non-valeur. Ce contrôle, initialement limité à un examen formel, s’est progressivement enrichi pour intégrer une appréciation plus substantielle des motifs d’irrécouvrabilité invoqués. Cette évolution contribue à renforcer la sécurité juridique des décisions d’admission en non-valeur et à réduire le risque de contestations infondées.

La digitalisation des procédures de recouvrement constitue un autre facteur de transformation majeur. En permettant un suivi plus précis des créances et une traçabilité accrue des actions de recouvrement, les outils numériques facilitent la justification des demandes d’admission en non-valeur et réduisent les zones d’ombre propices aux contestations. La dématérialisation des échanges entre ordonnateurs et comptables contribue également à fluidifier le processus décisionnel et à améliorer la qualité des informations transmises aux assemblées délibérantes.

Ces évolutions convergentes dessinent les contours d’une nouvelle approche du contentieux des admissions en non-valeur, caractérisée par une plus grande transparence, une meilleure motivation des décisions et un contrôle juridictionnel plus équilibré. Cette approche renouvelée devrait contribuer à réconcilier les impératifs parfois contradictoires de bonne gestion des deniers publics et de respect des droits des contribuables.

Au-delà des aspects strictement juridiques, cette évolution s’inscrit dans un mouvement plus large de modernisation de l’action publique et de renforcement de la transparence financière des collectivités territoriales. L’admission en non-valeur, longtemps perçue comme une opération technique sans enjeu politique, tend à être réintégrée dans le débat démocratique local, notamment à travers les discussions budgétaires et les rapports d’orientation financière.

Cette politisation croissante du sujet, si elle comporte des risques d’instrumentalisation, présente aussi l’avantage de sensibiliser les élus locaux et les citoyens aux enjeux du recouvrement des créances publiques. Elle contribue à rappeler que derrière les chiffres et les procédures se cachent des réalités humaines et sociales complexes, qui méritent une approche nuancée et respectueuse des droits de chacun.

En définitive, le contentieux des admissions en non-valeur contestées, loin d’être un domaine figé et technique, apparaît comme un laboratoire où s’expérimentent de nouvelles formes d’articulation entre gestion publique, contrôle juridictionnel et participation citoyenne. Son évolution future dépendra largement de la capacité des différents acteurs concernés à trouver un équilibre satisfaisant entre efficacité du recouvrement, sécurité juridique des procédures et respect des droits fondamentaux des contribuables.